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Mots d'ivoire:Une poignée de sel pour les créateurs.

Le rêve me parait meilleur que l’éveil

31 Décembre 2017 , Rédigé par Edgard Dauphin


 Par Samuel F. DAUPHIN, à la mémoire de Stéphanie JEAN

L’étonnement 

 

La dernière fois qu’on s’est vu, ce fut dans les méandres du bas de la ville, à Port-au-Prince. Tu m’avais quasiment  offert toute la forme de ton sourire, en guise de salutation. Et j’agissais de la même façon, car l’égoïsme n’est pas mon fort. D’un lieu, on s’arrêtait, un moment, l’un en face de l’autre à se regarder gaiement, sans qu’aucun mot ne sortait de la bouche de chacun de nous. Nos cœurs se sont mis à battre dans nos poitrines, si vite, si vite! Et prestement, on avait donc compris ce qu’ils désiraient (nos cœurs). Peut-être se rappelaient-ils bien des choses. Et d’un autre lieu, chacun s’en allait, plus exactement, rebroussait chemin avec son petit lot d’étonnement. On était, tous les deux, stupéfaits de se voir là-bas, au bas de la ville, car c’est  un croisement auquel on ne s’y attendait pas. La dernière fois qu’on s’est vu, remonte à une semaine avant l’accident. On se débordait, carrément, d’étonnement et de bonheur, mais aussi on avait choisi de nous exprimer dans et par l’étonnement. C’était notre choix, à nous. NO COMMENT... La dernière fois qu’on s’est vu fut l’œuvre sublime du hasard ou peut-être du destin. Qui savait ? Il y a tellement longtemps que nos regards ne se sont pas entremêlés, ne se sont  pas noués. Et dans tout cela, qui de nous deux aurait pu croire que c’aurait été notre ultime rencontre ?

Tant de jours dévoués à répéter ta mort
tant d’immobilité sublime à ta fenêtre
tant de siècles de souvenir entre ces murs
tant de musique entre tes pas dans l’âme étroite
ô voyageur de l’une à l’autre des cloisons !
Sept pas sont suffisants pour franchir la distance
où du naitre au mourir tout l’homme s’accomplit ;
tu meurs le front contre la vitre, un paysage de
tristesse éternelle en ton regard lavé
˗ les saisons à tes yeux sont opaques et passent 
loin, à travers tes doigts qui ne les sentent pas.
O crains de t’éveiller ! Parle bas dans tes larmes!
car un autre univers, plein de futur et d’arbres 
lorsque tu seras mort s’écoute naître en toi.

       (Pierre Emmanuel, Le poète fou suivi de Élégies)

 

Le sourire

 

Le sourire dont j’ai parlé au début, revenons-en ! ...Ton sourire est une fêlure du ciel, il est un poème, un tableau accroché, pendu sur ton visage, Steph. Ton sourire est une lune s’étendant sur les vents, une œuvre d’art qu’aucun peintre, qu’aucun poète, qu’aucun artiste n’a jamais imaginé. Nul chant n’aura la forme de ton sourire. Nul oiseau ne pourra l’imiter. Qui aurait pu oser rester indifférent devant un tel sourire, une telle énergie que dégageait ton être ? Ton sourire, il est un verbe. C’est-à-dire une parole qui ne meurt jamais. Qui ne l’aurait pas aimé, ce sourire? Il est le pur produit de l’imagination d’un dieu-poète. Celui-ci l’avait épinglé, expressément, dans ton âme de manière à ce que quand tu souris, cela, naturellement, produise des effets, des ondes positifs. Ton sourire ne s’éteint pas et ne s’éteindra jamais, car il brille, résonne, habite continument, dans mille lieux dans ma mémoire et dans celle de plus d’un aussi…Ton sourire, on s’en souvient bellement, joyeusement. Tu es partie pour l’Orient éternel, m’-a-t-on dit ! Tu as pris la clef des champs, sans m’avoir donné ce fragment de ton sourire que tu m’avais promis d’attacher au mien, il y a de cela trois ans, afin qu’aucune substance, qu’aucun élan, qu’une forme d’autres sourires ne soient coercibles face à mon sourire. Ce propos venait de ta bouche. C’est pourquoi, j’ai mille et une raisons de me prononcer autant de cette flamme qui sortait par bouche et qui me brulait doucement, me brulant encore. Qui de tes ami(e)s a vu ton dernier sourire ? La mort a-t-elle vu cet autre soleil que portait ton âme ? Non, il l’aurait brûlé ! 

 

Stéph et l’effet de sa mort?

 

L’effet de la mort ?

 

Parfois, l’on se perd dans une musique, comme si le monde était réduit à ce que l’on entend, l’on ne vit que pour cela, l’on se laisse aller bien loin sous l’effet de cette musique là. Elle nous donne la forte impression qu’elle titille les parties les plus intimes, les plus sublimes de notre corps. Car elle nous traverse tellement... Pour moi, c’est ainsi que la mort vient à nous, sous un effet commode et conforme à celui de l’effet que produit cette musique qui nous emporte bien loin, sous l’effet duquel on est plus le même être, on devient fou, on est transformé. Quoi qu’il arrive, on s’en fout !!!... Qu’est- ce que j’aime autant cette musique, moi ! Qu’est-ce qu’elle est capable de se mêler à mon corps ou à un autre corps, parce qu’elle est faite pour danser, soit seul, soit en couple, soit en groupe ! Alors, je danse seul comme je vis. Quelle est cette musique qui me tend la main, et m’incitant à la danser et à danser encore sans jamais m’arrêter, parce qu’elle devient un avec mon corps ? On danse tellement, au point qu’il pourrait arriver de perdre l’éclat de son sourire, de ses joies, car ils s’éteignent. Qu’est-ce que cette musique qui me traine vers cette mort lente depuis la nouvelle de ta mort ? Cette nouvelle, qui m’est venue en écoutant ce son inouï, bien ordonné. L’effet de celle-ci en moi est multiple : il supprime, en moi, d’abord l’envie de doser mes affaires personnelles afin d’en créer une autre, celle d’être toujours seul; Il me plonge dans une douleur indicible qui me captive comme un prédateur avec sa proie, mais il est des prédateurs qui savent jouer avec leurs proies avant de les dévorer, pas celui-ci! ; il (l'effet) me donne deux impressions, primo : je meurs lentement, j’y avance à pas feutrés. Car je me donne l’habitude de penser à toi de temps en temps. Celui qui devient esclave de l’habitude meurt lentement, pour parler comme Pablo Neruda, poète chilien. Secundo : l’impression que toutes choses se mêlent : la vie, la mort, la joie, le bonheur, le mal, la musique, l’esthétique, les dieux .l’homme, les pierres, la femme, la terre,  le dénuement, la poésie etc. etc… Subitement, je me rappelle les vers du poète sublime, Allemand, HӦLDERLIN :

…Toutes choses confusément
Se mêlent et voici reprendre son empire
L’antique désordre originel ?...

Ton absence est une douleur qui se mêle à mon corps entier plus que cette musique que j’auditionnais.Wake me up de Avicii.

Stéph, tu es devenue sueur-musique qui coule sur ma pensée, mon bel avenir. Je la danse follement.

Ton absence sort de mes yeux
je la pleurs comme une pluie en trance.
                                        (Edgard Dauphin)

 

Ta maman dans tout cela ?

 

Stéph, pour elle, (ta maman), cette douleur est plus dure que celle de l’enfantement. Le savais-tu ? Pour toute ta famille aussi et tes ami(e)s aussi. Elle est atroce, cette douleur ! Cet après-midi, j’ai été voir ta famille. On m’alertait que ta maman sommeillait. Elle s’exilait dans le sommeil afin d’amadouer ce gigantesque animal, la douleur. Elle ne s’échappera pas aussi facilement de l’animal, car il est fort et géant à la fois. Ta mère, elle sommeille encore. Cherchant à s’enfuir de ton absence par des gémissements, par des pleurs et dans la douleur. Elle s’évertuait à attraper ta présence depuis le sommeil. Seule une mère pourrait agir de la sorte ! Ton absence est trop lourde pour elle.

J’étais allé  lui dire 
que ta présence est enveloppée dans le temps et avec le temps. Ton rire est dessiné au quatre coins de ma
 mémoire... M’aurait-elle cru ?

Il est un mythe, selon lequel tu n'aurais pas  dû mourir aussi tôt. Enfant, les grands-parents me le contaient souvent pour me faire dormir. Le mythe : « Quelqu'un qui a un sourire ou un rire facile est difficile à mourir. Il vivra longtemps. Il aura des petits enfants. Il sera comme un vieux chien qui lutte avec son ombre déjà morte, autrement dit avec la mort. » J’y croyais largement pendant longtemps. Désormais, j’y crois plus, Stéph. (Les grands parents savent tout ! Pour eux, c'est grâce au rire et au sourire qu'ils sont encore en vie. Ils mentent trop facilement.) Toi, tu riais et souriais toujours Stéph, tu as été une machine à rire, à sourire. Mais, aujourd’hui où as-tu caché ton vieillissement ? Peut-être l’as-tu caché dans ma mémoire, dans celle de ta mère, celle de tes ami(e)s, sous mon âme, celle de ta mère, celle de tes ami(e)s. Car, moi, j’accepte de l’accompagner vers d’autres vieillissements, comme celui du rêve, celui des regards, celui du sourire. Je l’amènerai aussi vers mon vieillissement déjà assoiffé de ta présence.

 

Stéph ?

 

Elle inversait toujours le sens de la nostalgie, de la douleur, de l’ennui, hors de ses ami(e)s. Elle était celle qui dégageait l’amour, le rire, le bonheur, le sourire, la joie de vivre, du lieu où elle se trouvait. Stéph débordait toujours de sourire et de joie. L’entreprise de son sourire n’est jamais fermée. Des sourires, en veux-tu ? En voilà ! Elle avait le plus beau sourire que j’aie jamais vu. C’est pourquoi, j’en parle autant. Elle était choyée de tou(te)s ses ami(e)s. J’aime encore l’élégance de ton sourire, Stéph. Et tes ami(e)s également, assurément. Ton sourire est cicatrisé dans toutes les venelles de notre mémoire. Tu n’avais pas 23 ans, toi qui maîtrisais l’art de se faire facilement des ami(e)s ; qui savais si bien gérer le rapport avec l'autre. Où est passé ta joie de vivre ma Stéph, à moi ? Où as-tu laissé ta gaieté sonore ? Où as-tu caché tes grandes rêveries? Dans quel lieu as-tu abandonné ta sensibilité ?

«Que ce pleurs dans la nuit te rejoigne, ce seul pleur a l’extrême cil de «Ceux, tes ami(e)s »* !
qui se meurent déchirés par le sifflet strident
des sapins sur le soir serein que ton enfance 
rêva, que déroula ton Chant sur les forets… »

(Pierre Emmanuel, Le poète fou suivi de Élégies)
*…Celui, ton copain !
  Qui se meurt déchiré par le sifflet strident …(Texte original)

 

Stéphanie et moi ?

 

Notre amitié remonte à décembre 2011, lors d’une soirée de gala. Ce dernier a eu lieu à «...» À l’époque, je m’investissais amplement dans l’animation de ces genres d’activités. Ainsi, une nuit, un ami m’avait-il demandé d’être le MC d’une activité, j’ignorais laquelle! D’où la naissance de l’entrecroisement de nos regards. Ce n’était qu'à la fin du spectacle que cela se produisait, la naissance. À peine allais-je remonter dans la voiture pour lever l’encre. Une superbe voix m’avait retenue, aux fins de me féliciter. C’était bien ta voix, Stéph ! Te souviens-tu ? J’ai été pleinement mouillé et langui, par ta beauté qui rayonnait partout. J'ai été complètement envahi par ta personne, résolument perdu dans tes regards ensoleillés qui me posaient dessus. Toi, qui deviendrais quelques années plus tard mon beau POÈME-HUMAIN.

Avan m
te kontre w
pyès dlo pot ko gen mèt

kout tanbou te toujou twò 
vye pou dans

depi m  fin kwaze w la cheri
se tanzantan 
m ap chanje rèv anba do somèy

ou antre nan vi m
bwit sou kou
tankou yon solèy cho

depi lè sa tout kè
pa kontan 
m fonn sanzatann

ou antre nan vi m
san di lonè
depi lè sa 
mwen refize w sòti....
          (Powèm : Yacinthe Valmy)

 

L’accident ?

 

Il a eu lieu un mardi 18 octobre, à Saint-Marc, m’a-t-on dit. La ville où tu es née et où tu y es éteinte également… Tu n’aurais jamais voulu mourir dans un accident, sûrement pas. Même si tu n’en avais parlé à personne, mais je l’imagine. L’accident n’a pas eu lieu dans un lieu sûr. Car on ne meurt jamais dans les lieux sûrs. Ceux-ci sont faits pour ne pas mourir. Ils sont faits pour orienter la vie, ennuyer la mort. À Saint-Marc, aucun lieu n’est sûr. On y meurt facilement. Cela peut être soit par balle, soit par un coup de poing, soit par amour, soit par un coup de magie, soit par accident, comme cela a été pour toi, Stéph. Saint-Marc, c'est une ville qui me gêne.  Malheureusement il me faut passer par là pour rentrer chez moi, Gonaïves, ma ville natale… Prochainement, j’y rentrerai soit par avion, soit par bateau...Ah par bateau, non, je n’aime pas le grand bleu de la mer ! Elle est trop vaste, la mer… Stéph, personne ne veut me parler de l’accident. Alors, je l’imagine ainsi!

 

La mort ?

 

Et si la vie n’existait que dans le rêve ?… La mort fuit toujours le rêve de soi. On n’est jamais mort dans son propre rêve, on est immortel. On lutte, on lutte toujours, mais on ne meurt jamais. Mais tout cela n’empêche qu’on meurt souvent dans le rêve de l’autre, son ami(e). Pour ne plus mourir dans le rêve de l’autre, son ami(e), il aurait fallu tous rêver en même temps. C’aurait été mieux pour l’homme d’exister ou de vivre uniquement dans le rêve. Ainsi ne mourait-il plus. C’est pourquoi les dieux ne meurent jamais. Car ils habitent définitivement le rêve. Ils apprivoisent la mort. Le plus grand défi de l’homme est de devenir comme les dieux, d’avoir une part éternelle dans le rêve, d’échapper à la mort. Dans le rêve, on peut tout faire et tout avoir aussi: dormir, manger, baiser, aller à l’école, devenir riche, jouer, dormir encore si l’on veut, souffrir, avoir conscience, crier, rêver, sourire, rire, faire des enfants etc. etc. Les dieux font tout ça, eux aussi…Nous n’avons qu’une seule façon d’échapper à la mort, c’est de rêver assidûment, éternellement. Le petit accès qu’on a pour habiter le rêve ne nous suffit pas pour ne pas mourir. Il nous faut l’habiter comme les dieux le font. La réalité n’existe pas uniquement dans l’éveil, il existe aussi dans le rêve. Le rêve, il est une autre forme de réalité… La mort est la plus grande peur de l’homme. S’il t’arrive un jour de croiser face à face avec la mort, tu lui diras surement de passer son chemin, parce que tu ne voudrais pas mourir...Stéph savait, sûrement, rêver en train de lutter, de se battre et qu’on allait lui ôter la vie, mais elle trouve toujours un moyen de s’en sortir. Car elle est dans son propre rêve… Ainsi le rêve me parait-il meilleur que l’état d’éveil. On n’y meurt jamais. Le rêve, comme l’art, est un moyen de s’échapper à la mort… Nous n’avons qu’une seule ressource avec la mort, faire de l’art avant elle, disait l’auteur de "Le bref suivi de Premières alluvions" , René CHAR…

la mort a transgressé tes 22 ans
crie l’oiseau
j’ai enveloppé ton corps avec le temps
                         (Edgard Dau
phin)

 

Un amour constant et sublime

 

J'ai toujours eu cette soif atroce 
de te ré-posséder !
                     (Edgard Dauphin)

 

Je t'aime toujours, jusqu’à la douleur. C'est une évidence ça ! Je t'aimerai sûrement à l'avenir ! Qui sait ? Et qui m’en empêchera ? Je t'aimais, t’aime et t’aimerai plus humainement quand mon corps ne sera plus à moi, quand il ne m’appartiendra plus, quand mon corps sera prêt à côtoyer la mort. J'adorais surtout t'embrasser quand, normalement, j’étais en transe. Cet état si normal allant au-delà de toute folie. J’adorais, aussi, te regarder avec des yeux d’allumettes, des yeux faits uniquement pour te regarder, te contempler, des yeux pareils aux éclats de ton sourire. Car tu es Stéph. Stéph, ma belle conscience d’amour. Je t'aime, tout en ignorant au fond le vrai sens de l'amour. Il m'échappe, ce sens. À dire vrai, presque tout m’échappe en cet instant. Mais, ce qui ne m’échappera jamais, c'est que je t'aime constamment. Ta mort ? T’en fais pas, elle ne pourra, nullement, m’empêcher de faire un tel exploit. Celui de t’aimer continument…Stéph, te rappelles-tu des vers  qui suivent : 

souvent
j'ai dessiné la musicalité 
du regard 
de Stéphanie sur un embryon de 
soleil 
qui brille sur ma souffrance     
             (Edgard Dauphin,  Octobre 2014)

*******

Pour ta beauté et pour la forme 
de ton sourire, Stéph.

…J’entrais
dans tes paupières par le balancement 
des bras
parmi vagues cuivrées dans la forme…
              (Edgard Dauphin, Octobre 2014)

 

Le livre

 

Stéph, tu lisais déjà Qu’est-ce qu’une femme de Anne Serre… Tu me l’avais prêté, ce bouquin. Celui-ci, il est plutôt… Ah puisqu’on parle livre, cela me rappelle maintenant quelque chose d’autre ! Je t’avais bien promis de te faire un livre. Quand on s’aimait ! Et celui-ci porterait ton sobriquet : Stéph. Je m’en souviens maintenant. Et toi, t’en souviens-tu aussi ?… Je le ferai pour toi, ce livre. Il s’appellera toujours Stéph. À part cela, j’inventerai ton nom dans d’autres livres. Stéph, Les personnages qui sont dans les livres ne meurent jamais, ils sont les maîtres du temps, disait l’auteur de Les immortelles, Makenzy Orcel. Alors, toi, tu seras un maitre du temps, Stéph, mon beau poème-humain ! Stéph, un livre est un objet, mais pas comme les autres. Le savais-tu ? Un objet pouvant nous aider à nous construire intellectuellement, socialement aussi. Il est des livres pouvant nous détruire aussi, si on s’en moque. Tout cela, c’est pour te dire que, parfois, c’est plus amusant pour moi que te contempler à lire. Le livre que je ferai pour toi ne détruira personne, même si on s’en moquerait…

 

Les funérailles 

 

Hier, je m’absentais aux funérailles. Sais-tu pourquoi, ma Stéph à moi ? Car je n’aurais pas eu assez de force de me voir face à face avec ton absence éternelle. Je suis trop débile, trop rabougri pour supporter l’effet de tout cela. Tu connais ma physionomie ! Elle est faible… Pourtant, je m’habillais afin de m’y rendre malgré moi. Mais en arrivant, toutes les portes de l’église étaient déjà fermées. Je me suis rendu aux funérailles à 17 heures. Devant l’église, un monsieur attristé, lui aussi, de ta mort, parce que tu es partie trop jeune, à 22 ans, m’a dit que l'enterrement a eu lieu depuis ce matin à 6hres. Et subitement je me suis rendu chez toi… Tout le monde a pleuré ta mort, m’a dit le monsieur, même lui, il a pleuré… Ta maman sommeille toujours, depuis mon arrivée jusqu’à mon départ. Chez toi, j’ai vu monsieur de forte constitution, dont j’ignore le prénom, je lui ai serré la main. Il portait une chemise blanche. J’ai vu ton frère aussi, j’ai vu une amie de toi  aussi, une cousine aussi, une personne que l’on appelait sœur, aussi. Ta sœur, elle, mes yeux ne tombaient pas dessus. Elle sommeillait aussi avec ta maman, m’a-t-on dit. Peut-être te rêvaient-elles  ensemble? Qui sait ? Elles cherchaient à deux ta présence dans le sommeil. Pauvres sont-elles !!! Elles t’aimaient plus que tout au monde. Elles t’aiment toujours et tes ami(e)s aussi et moi aussi je t’aime toujours. Ne m’en veux pas ma chère Stéph, car ton absence a brûlé ma mémoire depuis que j’ai reçu la nouvelle.

Tu t’en vas loin de notre corps - de nos gestes - de nos rires 
tu t’en vas sans regarder la douleur coulant sur notre corps.
Paix à ton corps, à ton âme, ton esprit !!!!

 

Petit dialogue d’outre-tombe

 

À présent, j’aurais besoin d’une autre  nouvelle, Steph. Celle de toi, de savoir comment tu es là-bas ! J’aurais été réconforté. Ainsi y aurait-il moins de distance entre nous deux. Entre toi et ta mère, tes ami(e)s aussi. Parle-moi de ton sourire ! Comment vas-tu dans ta nouvelle demeure ? Comment va la vie là-bas ? De quelle couleur est-elle ? Ici, quand la vie est facile, on dit qu’elle est rose. Qu’en est-il de là-bas ? Y neige-t-il comme à New York ? Y a-t-il du cyclone ? Ici, hier on a annoncé un autre cyclone, après celui que tu as connu, Matthew. Les gens ont peur. Elles ont peur de mourir dans le cyclone. Sauf moi ! Parce que, je suis conscient de mon avancée, lentement, vers ma mort. Cette dernière m’attend près de toi. Je m’y approche de temps en temps.

-    Sam ! Sam !
-    Mais, je connais cette voix ! C’est celle de Stéph !
-   Sam, tu as raison c’est bien ma voix. Et n’aies pas peur c’est bien moi, Stéph, ton beau poème-humain !
-    Montre-toi, s’il te plait !
-    Je ne pourrai pas me montrer Sam, surtout  avec mon nouveau corps, il te fallait d’autres z'yeux pour me voir. Maintenant, j’ai un corps différent du tien.
-    Et comment vas-tu sous ce nouveau corps ? Comment te sens-tu avec ?
-    Ah je ne pourrai pas te répondre ! Car on m’a interdit de répondre à ces genres de questions. C’est un de nos plus grands secrets à nous.
-    Qui est ce ON qui t’a interdit cela ?
-    Notre chef «… »
-    Votre chef  « … » !
-    Et ce chef comment est-il élu ? Au suffrage universel ? 
-    Non il n’a pas été élu, Sam ! C’est un dicta. C’était la première arrivée de nous. C’est lui qui dirige tout et tout. Pas de ministre ! Pas de directeur ! Ce n’est que lui dans tout !
-    Eh bien Steph, tu veux parler de Abel, fils d'Adam ?
-    Tu sais, Sam, je suis nouvelle et je n’ai pas trop d’infos. Je m’informe demain pour t’en parler une prochaine fois. À présent je suis fatiguée. Tu sais, je viens de faire un long parcours. Il est différent des plus longs parcours que tu pourrais connaitre chez toi. Je vais me reposer, un moment. Sam, va dire aux miens et à mes ami(e) que je suis arrivée en bien et que demain on va me présenter ON notre chef. C’est la coutume ! Quand tu es à peine arrivé.e, il te faut présenter au chef. Et celui-ci décidera s’il pourra te garder dans sa maison ou pas...Allez ne pleurs plus, je t’en dis plus demain, Sam !!!

 

Edgard DAUPHIN, Port-au-Prince 26 Octobre 2016

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Stéphanie JEAN, morte en octobre 2016 suite à un accident.
 

Edgard DAUPHIN, poète.

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